Le 17 mars 2018,
VoxPopArte
a posté sur sa page facebook un extrait de leur enquête intitulée Quand les écrans rendent malades
.
Au lendemain de cette publication apparaissait dans les commentaires un droit de réponse de Véronique Favre, professeure des écoles interviewée dans ce sujet.
Suite à une erreur de modération de la part de WoxPopArte, son texte avait été masqué et donc soustrait à la vue des internautes.
Depuis, VoxPopArte s'est excusée auprès de Véronique Favre ainsi qu’auprès de leur communauté et, ont publié le texte ci-dessous :
"Droit de réponse
J’ai accepté un tournage pour l’émission Vox Pop (Arte) dans ma classe de petite section, école maternelle 56 rue d’Orsel, Paris 18, Montmartre, le jeudi 18 janvier 2018.
J’ai recueilli les autorisations nécessaires : service communication du rectorat, inspectrice de l’Éducation Nationale et parents d’élèves (père ET mère), j’ai informé la directrice de l’école.
J’ai accepté parce que je trouve intéressant de partager, de diffuser ce que l’on peut faire avec le numérique en classe en y réfléchissant, en le mesurant, en le pensant. Modestement, rendre l’école plus lisible, lever des incompréhensions sur celle-ci. Je trouve intéressant de pouvoir échanger sur ce sujet, pas pour me montrer ou autre, j’accepte et accueille la critique.
J’ai reçu un journaliste 2 heures dans ma classe en présence des élèves et accordé 30 minutes d’entretien sur mon temps de pause méridienne. Malade, aphone, fatiguée, peu importe, j’ai accepté.
J’ai montré un jeu créé par moi, sur mesure, sur les iPad en service dans la classe (personnels), jeu en lien, en relation (pour travailler la compréhension) avec les courts-métrages vus la veille au cinéma («promenons-nous avec les petits loups») et aussi la transposition d’une activité papier (trace pour le cahier) sur le tableau numérique interactif, mais aussi en arts visuels, activités également centrées sur cette sortie au cinéma.
En cohérence, comme un tout qui envisage des approches complémentaires qui visent à favoriser, dynamiser, encourager les apprentissages.
Je repère vendredi un lancement sur la chaîne, j’avertis les parents d’élèves et je regarde Arte, ce samedi 17 mars, 20h05, le reportage et le montage. Nous nous trouvons parmi divers intervenants. L’angle de l’émission est la controverse, un magazine «polémique ET positif» : parfait, c’est nécessaire et utile.
Qu’en reste-t-il après visionnage ? La consternation.
Un montage à charge, LE LOUP EST ENTRÉ DANS LA BERGERIE. Il en restera cette image. Désagréable. Un montage que je ressens partial et injuste par rapport à mon travail, par rapport à mon intervention.
Des apprentissages rendus possibles seulement grâce au numérique : il n’en fut pas question.
Le ressort principal est la peur. La parole est répartie inégalement. Il n’a pas été question d’enfant, de pédagogie, d’école mais bien de peurs.
Hasard (?), le soir même du tournage 18/01, fut diffusé cet «Envoyé Spécial» qui donna tant de visibilité au docteur Ducanda. [je ne l’avais donc pas encore vu au moment où ces images furent tournées].
Deux mois plus tard, jour pour jour, aucune évolution, aucun nouvel éclairage, ce docteur a toujours autant de visilbilité et domine le «débat» malgré une pétition récente, pour accusation virale sans fondement scientifique et un signalement à l’ordre des médecins, audience le 9 mars dernier.
J’ai fait confiance, j’ai été naïve et je le regrette.
J’ai, en effet, laissé LE LOUP ENTRER DANS LA BERGERIE : j’ai donné mes élèves en pâture à ce genre de journalisme et le piège s’est refermé : c’est cet objet numérique qui va rester comme une trace, une tache indélébile sur internet.
Ma crédibilité est entamée, mais ce n’est pas le pire, loin de là. C’est l’image de tous ces enseignants qui cherchent, qui tentent de bouger l’école qui est abîmée.
Je suis déçue, dépitée, dégoûtée. Je me sens trahie. Je ressens beaucoup d’injustice faite à ma classe dans ce moment de télévision.
«Crédits publics» ???!!! Non, j’ai bien précisé qu’il s’agit en très grande partie d’un matériel personnel.
J’aimerais que des vérités soient rétablies à la suite de ce désastreux moment médiatique. Mais il est trop tard. Ce qui est est. C’est diffusé. C’est public.
J’ai honte de faire partie de ce montage à charge, il n’y a pas de controverse, l’angle est biaisé.
Je ne fais pas le poids dans la maigre tentative de controverse.
Le spectateur restera avec «l’autisme virtuel» (sic) en tête, un certain malaise en bouche et encore, la peur, la méfiance, le rejet. Et le loup.
Je garde le même malaise.
Je pourrais refaire le teasing de l’émission: «le journalisme : mortel ? les dangers de la télévision ?» Je suis infiniment déçue qu’Arte, en qui je plaçais ma confiance, ait cédé à l’appel du «buzz» et préfère verser du côté du complot au lieu d’informer.
Mon intention était modestement de témoigner, d’ouvrir les portes de l’école que l’on dit si opaque. Je voulais témoigner d’une autre manière de faire, réfléchie, pensée, pesée, soupesée.
Je referme cette porte, je nous mets à l’abri de tout ça. Nous allons continuer à travailler, à l’abri : le confort dont parle cette dame orthophoniste. Au fait, moi non plus je n’ai «pas d’idée» concernant le métier de madame Vanhoutte, et je m’en garderais bien, par respect.
Je referme la porte, le courant d’air est bien désagréable.
Je remercie de tout cœur les parents d’élèves pour les magnifiques témoignages de confiance qui ont afflués par courriel samedi soir et dimanche suite à cette diffusion (de laquelle je les avais naturellement avertis) ; ces marques de confiance ont atténué ma peine sincère.
Merci à vous, chers parents, merci à chacun de chers élèves, mes p’tits loups.
Véronique Favre
Professeure des écoles
Fait à Paris, le dimanche 18 mars 2018"
Liens
- Charte d’éthique professionnelle des journalistes 2011
- Déclaration des devoirs et des droits des journalistes 1971
Petit soutien
Véronique a participé à de nombreuses applications depuis quelques années, elle cherche tous les jours
à améliorer sa pratique pédagogique notamment avec l'usage des tablettes, mais pas que...
Les journalistes n'ont évidemment pas donné le titre de leur enquête, car il est évident que
Quand les écrans rendent malade
ne peut pas être une enquête objective, ce qui implique
une mauvaise fois patente de la part de ces journalistes.
Emmanuel CROMBEZ